« Ne tuons pas la poule aux oeufs d’or »

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L’heure est au bilan. La saison estivale s’achève, et pour le moins, le résultat est contrasté.

Les destinations du sud de la France s’en sortent convenablement ; en revanche les professionnels des régions au nord d’une ligne Bordeaux/Lyon sont déçus de la performance. L’absence de la clientèle britannique et américaine s’est fait cruellement sentir sur tout le territoire, et la présence de nos voisins des pays limitrophes a atténué un contexte rendu difficile par la pandémie. Les conditions météo ont été favorables au pourtour méditerranéen.

Ce constat simple, voire simpliste suffit-il à expliquer la réussite ou l’échec d’une saison  d’été ? La prospérité, et la pérennité de nos entreprises dépendent-elles seulement de la météo et de la présence ou de l’absence de certains marchés ?

Compter sur des circonstances favorables n’a jamais permis de pérenniser une stratégie dans le temps. Une vision long terme se construit sur des fondamentaux. Dans les métiers de l’hospitalité, le triptyque gagnant est la valeur Service/Qualité/Prix.

Beaucoup de choses ont été écrites et dites sur l’accueil, le service et la qualité de la prestation en général dispensés dans les hôtels et restaurants du pays. Ceux qui me lisent régulièrement connaissent mon jugement sévère et sans concession  sur ces points.

Il est toutefois un sujet, trop souvent passé sous silence ; c’est celui du prix. Disons-le simplement : la France est une destination perçue comme chère par les touristes étrangers. Plus qu’une perception, c’est une réalité. Les étrangers ne sont pas les seuls à estimer que notre pays est une destination chère. Pourquoi bon nombre de nos compatriotes choisissent-ils de passer leurs vacances d’été dans les pays du Maghreb, en Espagne, ou aux Antilles ? Par goût de l’exotisme, ou pour des raisons économiques ?

Une politique tarifaire basée sur des prix forts témoigne de la volonté d’une destination de se différencier de la concurrence en donnant une image de qualité, et de haut de gamme par rapport aux autres destinations concurrentes. Malheureusement, le niveau d’accueil, de service, et la qualité de nos offres sont trop perfectibles pour jouer cette carte. Le prix n’a jamais été un critère d’excellence, n’en déplaise à certains.

La haute saison, et l’afflux de touristes sur le territoire ne justifient en rien les augmentations de prix aussi conséquentes d’une saison à l’autre, et d’une année sur l’autre. La modération tarifaire est gage de fidélisation. S’il nous était donné de connaître précisément les taux d’attrition et de rétention des touristes venus séjourner en France, il est fort à parier que beaucoup d’opérateurs seraient plus raisonnables. Ces chiffres nous montreraient clairement que la France fidélise peu ses primo-visiteurs.
La presse s’est fait l’écho il y a quelques jours, de certaines augmentations de prix sur la Côte d’Azur, allant jusqu’à 40%. Rien de mieux comme communication pour souiller la réputation d’une destination.

Mais pourquoi cette propension à augmenter abusivement les prix lorsque arrivent les beaux jours ?

Les charges, taxes et autres coûts de production ne peuvent être le prétexte à une telle inflation. La France souffre d’une mauvaise répartition de ses flux de touristes. Les deux tiers des visiteurs se concentrent sur les trois mois d’été. Cette spécificité est propre à notre pays. D’où l’envie de « prendre l’argent quand il est là ». A titre de comparaison, des pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal, ont une activité touristique mieux équilibrée, qui s’étale sur neuf mois… Il est donc logique que ces destinations soient perçues comme plus accessibles économiquement.

Notre art de vivre à la française, notre culture, nos paysages, notre gastronomie, notre passé glorieux, et nos côtes littorales ne seront plus un avantage concurrentiel, à terme, si l’on ne sait pas apporter de la raison dans notre positionnement prix.

Deux indicateurs clés devraient nous alerter sur l’urgence à être prudent. La dépense moyenne par touriste, et la durée moyenne de séjour. Deux indices qui attestent que le client dépense moins en France qu’ailleurs, et qui confirment que le client séjourne moins longtemps chez nous que chez nos voisins… Il est à regretter qu’en France le volume a toujours  été privilégié au détriment de l’optimisation des revenus. Ce constat est valable pour le secteur du tourisme, ainsi que pour bon nombre d’autres activités commerciales et industrielles.

La croissance pérenne, et la création de valeur ne pourront se faire qu’au travers d’une augmentation de la consommation moyenne par touriste, et par l’extension de son séjour. Pour cela, seule une stratégie tarifaire pertinente donnera le résultat escompté.

Si l’ambition de la France est d’être une destination touristique haut de gamme, elle devra commencer par entreprendre une révolution dans la qualité du service apportée et dans l’accueil. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Remettons les choses dans le bon ordre. Ne tuons pas les bienfaits hérités de notre géographie, de notre culture, et de nos anciens. C’est seulement en suivant ce principe que le tourisme restera une des mamelles de l’activité économique de notre pays.