Et si d’un mal profond, jaillissait la lumière ?

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A quelques semaines de la réouverture des restaurants, certains s’alarment et annoncent une grande pénurie de main d’oeuvre pour l’ensemble des métiers de l’hospitalité.

Les fédérations patronales de la restauration évaluent à 120 000 le nombre de postes en passe de ne pas être pourvus lors de la reprise ; le PDG du Groupe ACCOR, Sébastien BAZIN affirme qu’un quart de ses collaborateurs pourraient ne pas regagner l’entreprise dans les semaines à venir.

Ces affirmations sont alarmantes, et doivent nous questionner sur les raisons profondes de cette désaffection annoncée.

Par paresse intellectuelle certains brandissent l’argument simpliste : les salariés contraints à l’interruption totale d’activité à cause de la pandémie, ont pris goût à un rythme de vie différent, privilégiant ainsi une vie familiale et sociale plus structurée. Fermer le ban.

Imparable, mais un peu court comme raisonnement. Pourtant, une introspection sérieuse est nécessaire pour la bonne compréhension de ce cruel constat.

Les tensions annoncées sur le marché du travail sont la résultante de problèmes structurels que connaissent nos métiers depuis plusieurs décennies.

La quête de sens au travail, la reconnaissance des efforts, la considération, la motivation, et la formation sont autant d’absences qui aujourd’hui risquent de se payer au prix fort.

Les dirigeants et les managers de la restauration et de l’hôtellerie ont-ils bien pris la mesure des enjeux liés à une parfaite animation des équipes ? Sont-ils tous bien instruits et formés aux principes du management tel qu’il se vit aujourd’hui ? Ont-ils conscience des attentes et du niveau d’exigence espéré par leurs équipes ?

Rien n’est moins sûr. Trop souvent les salariés sont appréhendés uniquement comme un poste de charges conséquent dans le compte d’exploitation ; rarement comme une richesse génératrice de création de valeur.

Et si l’organisation de l’entreprise se construisait autour de l’humain ? Qu’adviendrait-il du résultat économique de cette même entreprise ? Nul besoin d’être un expert en finance pour imaginer une orientation  très positive de la performance comptable.

Personne n’ignore la maxime : »Des employés heureux, font des clients heureux ».

Alors, comment rendre heureux un collaborateur ?

La quête de sens au travail est un des éléments essentiels du bien-être au travail. Travailler beaucoup n’a jamais fatigué personne. En revanche demander des efforts  sans expliquer le sens de la mission est source de fatigue, d’épuisement, et de démotivation. Susciter l’enchantement client, le fidéliser, en faire un ambassadeur de la marque, voilà le sens à donner à la mission. Cela peut se décliner à l’infini. L’imagination de ceux qui ont la passion du service, et l’ambition de donner du plaisir est sans limite.

Il n’est jamais urgent de faire un reproche, en revanche ne jamais rater une occasion de remercier ou de complimenter une amélioration ou un progrès. Le plus beau mot de la langue française a cinq lettres, il est rarement utilisé dans l’entreprise, il suffit pourtant de l’utiliser pour considérer le collaborateur lorsqu’il le mérite : MERCI.

Pourquoi « l’ascenseur social » qui était une arme de séduction massive dans les métiers de l’hospitalité ne fonctionne-t-il plus aujourd’hui ? Il n’était pas rare de voir de belles carrières se construire, il y a encore peu. Aujourd’hui les bonnes volontés sont empêchées. Seuls le CV, et les aptitudes techniques comptent. Il est grand temps de redonner aux belles personnalités, aux personnes souriantes, et au savoir-être en général l’importance qu’elles méritent.

Quelle importance donner à la formation des équipes ? L’amélioration et le perfectionnement des savoirs doit être pour l’entreprise, une seconde nature… La formation ne peut en aucun cas être considérée comme une contrainte, une perte de temps, ou un gadget. N’a-t-on jamais entendu un manager se plaindre qu’une cession de formation perturbe le service ? Ce type d’obstruction trop souvent rencontrées est mortifère pour l’entreprise.

Grandir professionnellement, s’armer, s’outiller, telles sont les sources de motivation des salariés. Comment satisfaire ce besoin, cette attente ? Simplement en partageant, et en transmettant les connaissances et le savoir de l’entreprise, sans rétention aucune. La reconnaissance des individus dans l’entreprise et leur implication passent par la volonté de transmettre. D’aucuns y voient une menace pour leur importance dans l’organisation… D’autres, mesurent le formidable levier d’adhésion que procure le partage.

Voilà ainsi résumé les raisons profondes qui expliquent la pénurie de main-d’oeuvre qu’on nous annonce.

Façonner des collaborateurs de désir et de passion, tel devrait être le principal critère d’appréciation à porter sur les dirigeants et managers… c’est certainement le moyen le plus sûr de permettre l’amélioration et la pérennisation  des résultats économiques de l’entreprise.

Seule une prise de conscience, et une volonté managériale affirmées permettront de transformer ce pépin en pépite.