Il est très difficile dans notre pays de faire admettre à un jeune que l’on peut se passer d’un baccalauréat pour réussir sa vie, ou pour le moins, sa vie professionnelle.
Chacun sait que la valeur et le lustre de ce diplôme se sont perdus. « Faire des générations de bacheliers », « le bac pour tous », telles sont les injections répétées à satiété par les pédagogistes qui ont voix au chapitre au ministère de l’Education Nationale.
Personne n’ignore les ravages que cette politique génère. On persiste à ne pas vouloir voir que cette idéologie crée une inadéquation entre les besoins des entreprises, et l’arrivée de nouveaux diplômés sur le marché du travail.
Alors, que faire pour booster l’employabilité des jeunes ? Comment pouvoir dire à cette jeunesse de France ; « Soyez de ceux qui bâtissent le futur »?
Je ne crains pas ici, d’opposer aux représentations faussement flatteuses du travail dit intellectuel, la joie, la satisfaction voire le bonheur d’un travail manuel artisanal parfaitement réussi.
Pourquoi tant de mépris en France, pour les professions dites manuelles ?
Il est malheureusement acquis qu’en France, les formations diplomantes pour les ouvriers qualifiés sont réservées aux élèves en échec scolaire… tel est le sort dévolu à ceux qui n’ont pas pour ambition de se perdre dans un cursus scolaire classique, long et souvent sans débouché. Certains esprits chafouins pourraient y voir comme un fait discriminant.
Ceux qui nous gouvernent ont-ils conscience de ce qui se joue en ce moment, pour les jeunes générations ? Notre pays paie aujourd’hui, très cher les errements du passé, et la stratégie : tout le monde a droit au baccalauréat.
Chaque année, nombre de diplômés de l’enseignement supérieur ont toutes les peines du monde à trouver un emploi ; beaucoup d’entres eux connaissent de longues périodes de chômage … Face à cette détresse, des entreprises sont en danger, faute de pouvoir recruter des salariés formés et compétents.
Alors, pourquoi ne pas valoriser les filières d’apprentissage, en décrétant la formation manuelle « cause nationale » ?
Faisons que l’apprentissage ne soit plus perçu comme une voie de garage, mais plutôt comme une rampe de lancement. Combattons ces clichés qui laissent apparaître les métiers de la main comme étant « bas de gamme », et très peu rémunérateurs.
Notre pays est richement doté en Centres de formation des apprentis (CFA), et en lycées professionnels. Prétexter un manque de moyen serait totalement injuste. La cause profonde du problème est ailleurs ; les différentes parties prenantes sur le sujet que sont l’Etat, les régions, les branches professionnelles ont le plus grand mal à communiquer et à aligner une position commune qui garantirait le succès pour tous. « Chacun dans son couloir » pour reprendre une métaphore sportive.
L’intelligence de la main et les métiers qui en découlent peuvent aussi s’acquérir au travers du compagnonnage. Soyons fiers de ce legs transmis de générations en générations depuis plus de huit siècles maintenant par les Compagnons du Devoir avec les parcours Tour de France , comme à l’étranger. Plus de 10 000 ouvriers hautement spécialisés sont formés chaque année… 90% d’entre eux obtiennent un travail au terme de leur formation, et plus de la moitié crée ou reprenne une entreprise aussitôt diplômé.
Le temps est venu de donner la priorité, les moyens et toutes sortes de facilité au « travail manuel ».
Ces intelligences pratiques et alternatives font naître de véritables talents qui font la fierté de la France dans le monde.
Y-a-t-il plus grande satisfaction pour un tuteur, ou un maître de stage que de transmettre, ce qu’il a lui-même reçu ? Il y a dans la transmission du savoir une notion prégnante d’héritage cédé.
Susciter l’envie, donner aux jeunes le désir de réussir dans les métiers de bouche, le bâtiment, les métiers du vivant, l’industrie-métallurgie, ou bien les matériaux souples. Voilà l’objectif collectif que devraient porter l’Education Nationale et les branches professionnelles. Ensemble aller au devant des élèves dès le collège, pour vanter les mérites, et les opportunités professionnelles que procurent les métiers de la main. En trois mots : Rendre désirable l’apprentissage.
Un pays s’enorgueillit toujours d’avoir de bons ouvriers qualifiés, expérimentés et polyvalents.
L’apprentissage est un élément constitutif de l’ascenseur social. L’apprentissage forme, éduque, permet la promotion sociale, et fabrique de bons « citoyens ».
Les emplois manuels servent avant tout une économie de proximité, et sont assez peu délocalisables.
A l’heure des circuits courts, et du localisme il serait naturel de donner aux métiers de la main les lettres de noblesse qu’ils méritent .